lundi 27 août 2012

Vers une écologie de responsabilité ? (par Jean Senié)

L’écologie est devenue un thème structurant de la pensée au XXIe siècle. Pourtant, plusieurs types d’écologie s’opposent. L’une, progressiste, considère que développement économique et environnement ne sont pas ennemis mais peuvent au contraire se servir mutuellement.  Une autre version de l’écologie, punitive, demande le retour à la croissance zéro, voire à la décroissance. Elle désigne l’homme comme coupable a priori et décrète que l’économie de marché ne peut qu’entraîner la dégradation de l’environnement. C’est contre cette vision que s’insurge Samuele Furfari dans L’écologie au pays des merveilles
Le consensus écologique 
L’écologie est devenue un thème structurant de la pensée au XXIe siècle. La limitation des ressources naturelles fait désormais partie intégrante de la réflexion contemporaine et il est admis que nous désirons vivre dans un monde moins pollué, moins sale et gérer au mieux les risques environnementaux pour éviter qu’ils pèsent sur les générations futures. De ce constat partagé, de ce désir de faire émerger une activité humaine qui ne détruise pas mais préserve la planète est né le projet écologique. Mais ce beau consensus s’arrête là.
Les deux écoles
Plusieurs types d’écologie s’opposent. L’une, progressiste, considère que développement économique et environnement ne sont pas ennemis mais peuvent au contraire se servir mutuellement.
Une autre version de l’écologie, punitive, demande le retour à la croissance zéro, voire à la décroissance. Elle désigne l’homme comme coupable a priori et décrète que l’économie de marché ne peut qu’entraîner la dégradation de l’environnement. C’est contre cette vision que s’insurge Samuele Furfari dans L’écologie au pays des merveilles. A travers 20 courts chapitres l’auteur passe en revue les différentes idées (reçues) constituant une la vulgate de cette écologie de la défiance.
Pour une écologie libérale
Un des mérites de l’ouvrage, et non des moindres, est de penser l’écologie dans la sphère plus vaste des interactions humaines, comme en témoignent les nombreuses références de l’auteur au penseur Friedrich Hayek (p. 58). La nécessaire préservation de l’environnement et les contraintes qui peuvent en découler sont ainsi considérées selon le prisme interindividuel. L’auteur explique que dans sa version étatiste et coercitive, l’écologie ignore les différents intérêts en présence mais impose par le haut un dogme uniquement restrictif.
La chasse aux automobilistes, une fausse bonne idée ?
Pour illustrer son propos, Samuele Furfari utilise l’exemple de la voiture. Faut-il stigmatiser les automobilistes ? Selon une idée très répandue, ce ne serait que justice dès lors qu’il existe des solutions alternatives pour réduire le nombre de véhicules à essence jusqu’à leur disparition. L’auteur s’interroge sur ces solutions, en prenant en compte les intérêts des acteurs qu’elles toucheraient directement ou indirectement.
1)      Si le chemin de fer est un recours intéressant à la route, l’auteur explique qu’ « en Belgique, le déficit des chemins de fer s’élève à 3.25 milliards d’Euros par an, soit la moitié du budget du Congo ». Dès lors, on peut légitimement réfléchir à la pertinence d’une telle approche.
2)      D’autre part, les véhicules électriques sont encore très loin d’être au point, notamment au niveau de la distance parcourue (en moyenne, une fois chargés, 80 km). Mais surtout, ils posent une autre question essentielle, celle de la production d’électricité. Comment alimenter le parc automobile électrique ? Par le charbon, le nucléaire ? Voilà un problème qui ne manquera pas d’interpeler les écologistes. D’autant que la production d’énergie renouvelable (photovoltaïque, biomasse, éolien, etc.) est encore très loin de fournir la puissance nécessaire.
3)      Enfin, les véhicules électriques coûtent cher. Qui les paiera ? Les automobilistes ? le contribuable ? Dans tous les cas, les citoyens seront pénalisés financièrement.
L’arbitraire écologiste
Ainsi, l’auteur fait œuvre de salubrité en nous rappelant que l’homme a besoin d’écologie mais qu’il a aussi besoin de vivre. Prenant en compte l’ensemble des effets de l’écologie punitive, il se demande à juste titre s’il est légitime d’imposer des normes toujours plus contraignantes. D’un point de vue libéral, ces règles ont d’autre part un double effet négatif : elles restreignent les citoyens dans leurs libertés individuelles (celle de se déplacer, celle de consommer) et leur imposent par le haut un certain modèle de société (type de véhicule obligatoire, etc.).
Une anthropologie mortifère
Plus profondément, l’auteur pointe dans l’écologie étatiste la condamnation du progrès, jugé  a priori irrationnel et nuisible à l’environnement. Samuele Furfari évoque ainsi l’inconséquence de la situation dans laquelle « il n’est plus possible de faire quoi que ce soit dans qu’immédiatement ne se lève une ONG environnementale pour prouver combien cette proposition va être cause de malheur » (p. 238).
Cette opposition à toute tentative de prospection – pensons à l’affaire du gaz de schiste – montre combien des présupposés idéologiques falsifient les données du problème écologique. Bien entendu, l’auteur ne nie pas les risques que peuvent faire encourir certaines situations, potentiellement dommageables pour l’homme. En revanche, il déplore le caractère résolument sectaire d’une certaine frange du discours écologiste qui, poursuivant l’illusion du risque zéro, nous condamnerait à l’inertie, voire à la régression.
Contre la pensée magique, l’urgence d’une autre écologie
En définitive, cette vision de l’écologie relève, selon lui, de la pensée magique. A contrario, Samuele Furfari défend une autre écologie, plus respectueuse de l’homme, plus humble, qui n’entende pas jouer la fonction eschatologique d’une nouvelle religion sécularisée avec tous les risques totalisants qui lui sont afférents. En un mot, c’est pour un nouveau débat sur la place de l’écologie dans nos sociétés que plaide l’auteur.
L’ouvrage porte en lui une visée polémique indéniable et certains esprits chagrins déploreront sa tonalité véhémente. Elle est pourtant la forme la plus adaptée à l’urgence ressentie par l’auteur de remettre une écologie raisonnable et fondée sur la raison digne sur le devant de la scène.
Jean Senié
http://www.trop-libre.fr/le-marche-aux-livres/vers-une-ecologie-de-responsabilite