L’écologie est devenue un thème structurant de la pensée au XXIe
siècle. Pourtant, plusieurs types d’écologie s’opposent. L’une,
progressiste, considère que développement économique et environnement ne
sont pas ennemis mais peuvent au contraire se servir mutuellement. Une
autre version de l’écologie, punitive, demande le retour à la
croissance zéro, voire à la décroissance. Elle désigne l’homme comme
coupable a priori et décrète que l’économie de marché ne peut
qu’entraîner la dégradation de l’environnement. C’est contre cette
vision que s’insurge Samuele Furfari dans L’écologie au pays des merveilles.
Le consensus écologique
L’écologie est devenue un thème structurant de la pensée au XXIe
siècle. La limitation des ressources naturelles fait désormais partie
intégrante de la réflexion contemporaine et il est admis que nous
désirons vivre dans un monde moins pollué, moins sale et gérer au mieux
les risques environnementaux pour éviter qu’ils pèsent sur les
générations futures. De ce constat partagé, de ce désir de faire émerger
une activité humaine qui ne détruise pas mais préserve la planète est
né le projet écologique. Mais ce beau consensus s’arrête là.
Les deux écoles
Plusieurs types d’écologie s’opposent. L’une, progressiste, considère
que développement économique et environnement ne sont pas ennemis mais
peuvent au contraire se servir mutuellement.
Une autre version de l’écologie, punitive, demande le retour à la
croissance zéro, voire à la décroissance. Elle désigne l’homme comme
coupable a priori et décrète que l’économie de marché ne peut
qu’entraîner la dégradation de l’environnement. C’est contre cette
vision que s’insurge Samuele Furfari dans L’écologie au pays des merveilles.
A travers 20 courts chapitres l’auteur passe en revue les différentes
idées (reçues) constituant une la vulgate de cette écologie de la
défiance.
Pour une écologie libérale
Un des mérites de l’ouvrage, et non des moindres, est de penser
l’écologie dans la sphère plus vaste des interactions humaines, comme en
témoignent les nombreuses références de l’auteur au penseur Friedrich
Hayek (p. 58). La nécessaire préservation de l’environnement et les
contraintes qui peuvent en découler sont ainsi considérées selon le
prisme interindividuel. L’auteur explique que dans sa version étatiste
et coercitive, l’écologie ignore les différents intérêts en présence
mais impose par le haut un dogme uniquement restrictif.
La chasse aux automobilistes, une fausse bonne idée ?
Pour illustrer son propos, Samuele Furfari utilise l’exemple de la
voiture. Faut-il stigmatiser les automobilistes ? Selon une idée très
répandue, ce ne serait que justice dès lors qu’il existe des solutions
alternatives pour réduire le nombre de véhicules à essence jusqu’à leur
disparition. L’auteur s’interroge sur ces solutions, en prenant en
compte les intérêts des acteurs qu’elles toucheraient directement ou
indirectement.
1) Si le chemin de fer est un recours intéressant à la route,
l’auteur explique qu’ « en Belgique, le déficit des chemins de fer
s’élève à 3.25 milliards d’Euros par an, soit la moitié du budget du
Congo ». Dès lors, on peut légitimement réfléchir à la pertinence d’une
telle approche.
2) D’autre part, les véhicules électriques sont encore très loin
d’être au point, notamment au niveau de la distance parcourue (en
moyenne, une fois chargés, 80 km). Mais surtout, ils posent une autre
question essentielle, celle de la production d’électricité. Comment
alimenter le parc automobile électrique ? Par le charbon, le nucléaire ?
Voilà un problème qui ne manquera pas d’interpeler les écologistes.
D’autant que la production d’énergie renouvelable (photovoltaïque,
biomasse, éolien, etc.) est encore très loin de fournir la puissance
nécessaire.
3) Enfin, les véhicules électriques coûtent cher. Qui les paiera
? Les automobilistes ? le contribuable ? Dans tous les cas, les
citoyens seront pénalisés financièrement.
L’arbitraire écologiste
Ainsi, l’auteur fait œuvre de salubrité en nous rappelant que l’homme
a besoin d’écologie mais qu’il a aussi besoin de vivre. Prenant en
compte l’ensemble des effets de l’écologie punitive, il se demande à
juste titre s’il est légitime d’imposer des normes toujours plus
contraignantes. D’un point de vue libéral, ces règles ont d’autre part
un double effet négatif : elles restreignent les citoyens dans leurs
libertés individuelles (celle de se déplacer, celle de consommer) et
leur imposent par le haut un certain modèle de société (type de véhicule
obligatoire, etc.).
Une anthropologie mortifère
Plus profondément, l’auteur pointe dans l’écologie étatiste la condamnation du progrès, jugé a priori
irrationnel et nuisible à l’environnement. Samuele Furfari évoque ainsi
l’inconséquence de la situation dans laquelle « il n’est plus possible
de faire quoi que ce soit dans qu’immédiatement ne se lève une ONG
environnementale pour prouver combien cette proposition va être cause de
malheur » (p. 238).
Cette opposition à toute tentative de prospection – pensons à
l’affaire du gaz de schiste – montre combien des présupposés
idéologiques falsifient les données du problème écologique. Bien
entendu, l’auteur ne nie pas les risques que peuvent faire encourir
certaines situations, potentiellement dommageables pour l’homme. En
revanche, il déplore le caractère résolument sectaire d’une certaine
frange du discours écologiste qui, poursuivant l’illusion du risque
zéro, nous condamnerait à l’inertie, voire à la régression.
Contre la pensée magique, l’urgence d’une autre écologie
En définitive, cette vision de l’écologie relève, selon lui, de la pensée magique. A contrario,
Samuele Furfari défend une autre écologie, plus respectueuse de
l’homme, plus humble, qui n’entende pas jouer la fonction eschatologique
d’une nouvelle religion sécularisée avec tous les risques totalisants
qui lui sont afférents. En un mot, c’est pour un nouveau débat sur la
place de l’écologie dans nos sociétés que plaide l’auteur.
L’ouvrage porte en lui une visée polémique indéniable et certains
esprits chagrins déploreront sa tonalité véhémente. Elle est pourtant la
forme la plus adaptée à l’urgence ressentie par l’auteur de remettre
une écologie raisonnable et fondée sur la raison digne sur le devant de
la scène.
Jean Senié
http://www.trop-libre.fr/le-marche-aux-livres/vers-une-ecologie-de-responsabilite