http://www.futurouest.com/vars/fichiers/Revue_FuturWest/FuturWest-44.pdf
« L’environnement est l’affaire de chacun d’entre nous. Il n’y a pas, d’un
côté, ceux qui prennent au sérieux l’enjeu écologique et, d’un autre côté, ceux
qui acceptent de détruire la Planète. Mais si l’objectif est partagé, les
moyens d’y parvenir divisent. J’espère vous montrer que les propositions des
écologistes en matière d’énergie s’avèrent souvent irréalisables dès qu’on les
regarde de près. Elles semblent miraculeuses, elles n’en sont pas moins illusoires.
Nous devons promouvoir une pensée positive et non catastrophiste. C’est à cette
seule condition que nous trouverons les solutions au problème, réel, que nous
rencontrons, et que nous aiderons tous ceux qui n’ont pas accès à l’énergie de
vivre dignement. » S.F.
Samuele FURFARI
L’écologie au
pays des merveilles / Mirages et vérités du développement durable
Bourin – 2012 –
250 pages
Ce
qui est agréable avec SF, c’est qu’il est bien documenté et qu’il ne s’en
laisse pas compter avec les approximations politiques ou idéologiques du
moment. Dès le début de son livre, il attaque fort. Ainsi, en toute logique au
vu des évolutions des modes de vie et de production, il montre qu’il faut s’attendre
à plus de déplacements et, partant, à une consommation d’énergie croissante. Il
signale des données (ADEME / Audiens)
montrant que le secteur de l’audio-visuel en France dégage annuellement 1,1 Mt
de CO2, soit l’équivalent de la vie quotidienne de 110 000 Français ou de 410
000 vols AR entre Paris et New York en classe économique. Si l’audiovisuel
représente au total 7,8 % de l’empreinte carbone de la France, supprimons donc
les séries télévisées et nous sauverons la Planète ! CQFD.
Pour
ceux qui ont et qui parlent au nom de ceux qui n’ont pas, l’auteur rappelle que
l’hygiène n’a pu se développer que lorsque l’énergie est devenue abondante. C’est
grâce à des pompes électriques que l’eau est acheminée dans les villes et qu’elle
monte aux étages des appartements. Jusqu’au milieu du 20e siècle, on ne prenait
généralement qu’un bain par semaine et puis progressivement on est passé à une
toilette quotidienne...dans les Pays développés. Personne n’a intérêt à
gaspiller l’eau, et en premier lieu les ménages modestes.
Parfois
la frénésie environnementale pose des problèmes... inattendus. A Berlin, on
recense des quartiers qui sentent mauvais, mais aussi à Hambourg, Rostock...
Les autorités ont tellement dit à la population et notamment aux enfants qu’il ne
fallait pas gaspiller l’eau qu’il n’y a plus assez d’eau dans les égouts ! Il
faut à présent les rincer régulièrement avec d’énormes quantités d’eau (un demi-million de m3 d’eau certains jours) afin de fluidifier les eaux usées.
Dans
le Chapitre2, SF fait la part belle aux économies d’énergie en mettant en avant
tout ce qui peut améliorer l’efficacité énergétique. Pour ce qui est l’isolation
des bâtiments, Test-Achat, une association de consommateurs belges, a calculé
qu’un m2 d’isolation de toiture coût quelques Euro alors que le m2 de panneau
photovoltaïque coûte de l’ordre de mille Euro. En Italie, l’Autorité de gestion
de l’énergie donne les chiffres suivants : le mécanisme d’incitation à l’efficacité
énergétique a un coût de revient de 1,7 Eurocent/kWh tandis que le soutien aux
énergies dites renouvelables va de 9 Eurocent/ kWh pour le solaire thermique à
44 Eurocent/kWh pour le solaire photovoltaïque. L’effort autrichien est également
salué : le Pays compte 2000 maisons dont la consommation d’énergie est nulle (record mondial)
; cela représente 0,07 % des quelques trois millions de logements du Pays.
Concernant
le véhicule électrique qui devra disposer de grande quantité d’électricité pour
recharger les batteries, l’auteur pense que les améliorations potentielles du
moteur thermique sont loin d’avoir été exploitées totalement et que le match
entre électrique et thermique va être plus rude qu’on ne le pense
habituellement. Sur les énergies « renouvelables », SF cite la
contradiction majeure des écologistes portugais qui s’oppose à la construction
de barrages dans des lieux inhabités, alors qu’ils sont favorables à ce type de
production d’énergie. Par ailleurs, les chiffres présentés – l’auteur est bien
placé pour les connaître en tant qu’expert européen – sont vertigineux : 2891 G€ sur une période de dix années en investissement
et en développement ; le budget de l’UE pour la période 2014-2020 devrait être
de l’ordre de 1025 G€, soit 146 G€ par an. Donc les besoins estimés pour
les « énergies sobres en carbone » est l’équivalent de 20 ans de
fonctionnement de toutes les politiques de l’UE. Ou encore 253 années du budget
européen consacré à la recherche...
Puis
viennent les chapitres 9 « Il n’y a plus de pétrole ! » ; 10 « Le pétrole va coûter de plus en plus cher » ; 11 « Pas besoin de
gaz naturel »
; 12 « Pas touche au gaz de schiste ». L’auteur demande avec malice de
relire le rapport « The limits to growth » du Club de Rome [1972]
dans lequel l’énergie issue du gaz était totalement ignorée alors que l’AIE
estime à 250 années de consommation au rythme actuel les gisements disponibles.
Pour le gaz de schiste (gaz de marne),
aux USA et au Canada, les réserves sont de l’ordre de 55000 à 37000 Gm3, soit
sept fois les réserves de gaz conventionnel d’il y a dix ans. En ce qui
concerne la zone Asie-Pacifique, les réserves seraient de 83000 Gm3. En Europe, les réserves techniquement récupérables
seraient de 33000 à 38000 Gm3, les plus importantes étant vraisemblablement en
Pologne (faute d’avoir pu les estimer en France, par exemple).
Pour
Samuele FURFARI, le constat est évident. Ce sont les Pays riches et bien gérés
qui prennent soin de leur environnement. Il faut donc en tirer la conclusion
suivante : pour polluer moins, il faut consommer de l’énergie afin d’atteindre
le niveau de développement qui permettra la protection de l’environnement, qui
apportera la richesse à travers la consommation d’énergie et qui conduira les Etats
à moins polluer, à améliorer la santé et l’espérance de vie de leurs
populations. La dure réalité viendra mettre fin au rêve de la « citoyenneté »
énergétique. Le populisme n’a jamais apporté rien de bon. Il ne le fera pas non
plus dans le domaine de l’énergie. Il est urgent de revenir aux fondamentaux.
Le
monde politique et le monde industriel doivent au plus vite se réapproprier les
choix énergétiques et ne plus permettre que le politiquement correct soit
encore crédible auprès de citoyens. Mettre fin aux simplismes, à la
manipulation du public par des idéologues s’impose... La mode est aux
acronymes. SF nous en propose quelques uns. NIMBY = Not in my backyard (Pas dans mon arrière-cour) / NIMTO = Not in my term of office
(Pas durant mon mandat) / Dans le
cas du gaz de marne, NUMBY = Not under my backyard (Pas sous mon
arrière-cour).
Plus grandiose encore : NOPE = Not on planet Earth (Pas sur la
Planète Terre),
et pour finir, BANANA = Build absolutely nothing anywhere near anything (Ne construire absolument rien n’importe où près de n’importe quoi).
Renvois pour poursuivre et comparer :
Olivier DELBARD « Prospérité contre écologie », NDL dans FuturWest N°21
+ Vincent CHEYNET « Le choc de la décroissance », NDL dans FuturWest N°29
+ Pierre ODRU « Le stockage de l’énergie », NDL dans FuturWest N°37
+ Tim JACKSON « Prospérité sans croissance », NDL dans FuturWest N°38
+ Bertrand BARRE « Atlas des énergies mondiales », NDL dans FuturWest N°41.
LF